Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/54

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coups de la fortune, et quoy qu’elles soient d’un naturel soubmis et fléchissant, si est-ce que s’estans vertueusement opposées à ses desseins, elles l’ont bien souvent contreinte de les changer. Et vous qui estes nay homme, dont le seul nom vous commande d’estre courageux, vous qui estes chevalier, nourry parmy les plus durs exercices de la guerre, vous qui vous estes acquis tant de reputation dans les plus grands perils, vous, dis-je en fin, qui estes ce Damon, qui n’a jamais rien treuvé de trop hazardeux, ny de trop difficile pour la grandeur de son courage, vous laisserez-vous tellement abatre par cet accident, et abatu, perdrez-vous de sorte le courage, que vous vueilliez mourir sans faire une seule action, je ne diray pas digne du nom que vous portez de chevalier mais de celuy-là d’homme seulement ?

- Halladin ! respondit le chevalier en souspirant, toutes ces considerations seroient bonnes en une autre saison, ou à un autre homme que je ne suis pas. Helas ! quelle action puis-je faire qui me contente, sinon de mourir, puis que toutes les autres desplaisent à celle pour qui seule je veux vivre ? Tu sçais bien que Madonte est la seule chose que je desire ; mais puis qu’elle est perdue pour moy, que veux-tu que je desire que la mort, si je n’ay plus d’esperance de treuver quelque relasche à mes peines, qu’en elle seule ? - Mais comment sçavez-vous, respondit l’escuyer, que cette Madonte soit