Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/57

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Tu dis fort bien, Halladin, respondit le chevalier en souspirant, mais ne sçais-tu pas qu’elle s’en est fuye avec son cher Tersandre, et se tient cachée de tous, pour jouir de luy avec plus de commodité ? Penses-tu que dés l’heure, que le fleuve où je me precipitay, ne voulut me donner la mort, je n’eusse recouru au fer et au feu, si je n’eusse eu le dessein que tu dis ? Mais, helas ! il semble que toutes choses soient conjurées contre moy, puis que pour mon regard le fer ne tue point, et l’eau ne peut noyer.

A ce mot, les larmes luy empescherent la parole, et la pitié fit le mesme effect en l’escuyer, de sorte qu’ils demeurerent quelque temps sans parler. Paris qui les escoutoit attentivement, oyant au commencement nommer Madonte, ne pouvoit se figurer que ce fust celle qu’il avoit veue dguiseée en bergere avec Astrée et Diane ; mais quand il ouyt le nom de Tersandre, il cogneut bien que sans doute c’estoit elle, et cela le rendit plus attentif, lors que l’escuyer reprit ainsi la parole : Quant à moy, si j’estois en vostre place, je ne voudrois pas mourir pour une personne qui m’auroit changé pour un autre ; que si toutesfois ce desplaisir me transportoit de sorte que je me resolusse à la mort, je voudrois que celuy qui seroit cause de ma perte me devancast et mourust de ma main ; car outre que je crois la vengeance en semblable chose estre un souverain bien, encores voudrois-je faire cognoistre à