Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/61

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il tout en sursaut, traitte-t’on ailleurs de cette sorte ? Le chevalier au commencement estonné de ses paroles, cogneut en fin qu’il avoit l’esprit troublé, et parce qu’il jugea qu’amour en estoit cause, il en eut plus de pitié, et se tournant vers son escuyer :’Voilà, dit-il, si je ne meurs bien tost, la fortune que je cours, car sans doute ce berger est devenu fol d’amour. - L’amour, reprit incontinent Adraste, est plus aymable, que Palemon, et s’il n’eust jamais esté, je croy que Doris seroit icy, ou moy là où elle est.

Et suivant ce propos, le malheureux berger dit des choses si mal arrangées, que quelquefois l’escuyer estoit contraint d’en sousrire, dequoy s’appercevant le chevalier : Tu te ris, luy dit-il, Halladin ! de ce pauvre berger, et tu ne consideres pas que peut-estre bien tost tu auras le mesme sujet de te rire de moy. - De moy, dit incontinent le berger, je suis Adraste, et voudrois bien sçavoir si Palemon vivra long temps.

Et parce qu’il reprenoit tousjours de cette sorte, la derniere parole qu’il oyoit, le chevalier qui s’ennuyoit d’estre diverty de ses pensées, commanda à son escuyer de brider leurs chevaux. Et montant dessus s’en alla à travers le bois par le mesme chemin que Paris estoit venu, qui fut en deux ou trois fois en volonté de se faire voir à luy, et luy offrir, comme à estranger, toute sorte d’assistance, à quoy il luy sembloit estre obligé, fust pour les loix d’hospitalité, fust pour