Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/67

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quoy, respondit Phillis, puis-je recognoistre ce que vous dites ? - A ce qui vous en est, avenu, adjousta Hylas ; car me perdant si promptement, ne scavez-vous que la premiere chose que le Ciel nous oste, c’est ce qui vaut le mieux ? - Et quoy ? interrompit Tircis, est-il possible, Hylas, que vous pensiez le Ciel estre cause de vostre humeur inconstante ? - Tout ainsi, respondit Hylas, qu’il Test des vaines larmes que vous respandez sur les froides cendres de Cleon. - Les choses qui ne dépendent pas de nous, adjousta Tircis, et dont les causes nous sont incogneues, le respect que nous portons aux dieux, nous les fait ordinairement rapporter à leur puissance et volonté. Mais de celles dont nous cognoissons les causes, et qui sont en nous, ou que nous produisons, jamais nous n’en disons les dieux auteurs, et mesmes quand elles sont mauvaises, comme l’inconstance, car ce seroit un blaspheme. - Que l’inconstance, respondit Hylas, soit bonne ou mauvaise, c’est une question qui ne sera pas vuidée aisément. Mais que la cause n’en soit incogneue, ou, si nous la cognoissons, qu’elle ne vienne des dieux, ah Tircis ! il faut que vous le confessiez, ou que chacun recognoisse, qu’en vos larmes vous avez pleuré vostre cerveau. Car la beauté, n’est-ce pas une œuvre de nostre grand Tautates ? Et qu’est-ce qui me fait changer que cette beauté ? Si Alexis n’eust pas esté plus belle que Phillis, je n’eusse jamais changé celle-cy pour