Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/68

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elle. Que si vous niez que la beauté en soit la cause, il faut bien qu’elle soit incogneue à toute autre, puis que je ne la cognoys pas moy-mesme, et estant telle, pourquoy ne la rapporterons nous à Dieu, sans blaspheme ? puis mesme que nous voyons par l’effet que ce changement est bon et raisonnable, estant selon les loix de la nature, qui oblige chaque chose à chercher son mieux. - Que la beauté, respondit froidement Tircis ; soit un œuvre de Tautates, je l’avoue, et de plus, que c’est la plus grande de toutes celles qui tombent sous nos sens ; mais de dire qu elle soit cause de l’inconstance, c’est une erreur, tout ainsi que si on accusoit le jour de la faute de ceux qui se fourvoyent, parce qu’il leur fait voir divers chemins. Et moins encores s’ensuit-il que si la cause vous en est incogneue, elle le doive estre à tout autre ; car plus grand est le mal, moins est-il recogneu du malade, et pour cela faut-il conclurre, que le sçavant mire ne le puisse non plus recognoistre. Et quant à ce que vous dites que cette inconstance est selon les loix de la nature, qui ordonne à chacun de chercher son mieux, prenez garde, Hylas, que ce ne soit d’une nature dépravée, et toute contraire à l’ordonnance que vous dites : car quelle cognoissance avez-vous eue jusques icy, que ç’ait esté vostre mieux ? Quant à moy, je n’y remarque pour vostre plus grand avantage que la perte du temps que vous y employez, que la peine inutile que vous y prenez, et que le mepris que chacun fait de vostre amitié.