Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/69

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Si vous estimez que ces choses vous soient avantageuses, j’avoue que vous avez raison ; mais si vous vous en rapportez aux jugemens [de ceux] qui ne sont point attaints de vostre maladie, vous cognoistrez bien tost que c’est le plus grand mal qu’en l’aage où vous estes vous puissiez avoir. Diane qui prit garde que Tircis parloit à bon escient, et que peut-estre Hylas s’en fascheroit, voulut les interrompre, et empescher que ce discours ne passast plus outre, dequoy faisant signe à Phillis, elle la pria de prendre la parole, ce qu’elle fit incontinent de ceste sorte : Mon feu serviteur, luy dit-elle, autrefois vous vous plaigniez qu’en toute cette trouppe vous n’aviez ennemy que Silvandre, il me semble qu’à cette heure Tircis a pris sa place. - Ma feue maistresse, respondit Hylas, ne vous en estonnez, c’est l’ordinaire que les mauvaises opinions prennent pied aisément parmy les personnes ignorantes.

Tircis vouloit respondre lors qu’il en fut empesché par le pauvre Adraste, parce qu’estant arrivée dans le bois de Bon-lieu, ils le virent parlant aux arbres, et aux fleurs, comme si c’eussent esté des personnes de sa cognoissance. Quelquefois il se figuroit de voir Doris, et lors mettant un genouil en terre, il l’adoroit, et comme s’il luy eust voulu baiser la robbe, ou la main, il luy faisoit de longues harangues, où l’on n’eust sceu remarquer deux paroles bien arrangées ; d’autresfois il luy sembloit de voir Leonide, et lors il usoit de reproches, en luy souhaittant