Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/70

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toutes sortes de mauvaises fortunes. Mais quand il se representoit Palemon, ses jalousies estoient bien plaisantes, et les discours aussi du bon-heur qu’il s’imaginoit ; car encores qu’us fussent foit confus, il ne laissoit de rendre tesmoignage de la grandeur de son affection.

Ceste troupe passa fort pres de luy, et quoy que sa veue seulement fist pitié à chacun, si est-ce que quand il apperceut Doris, il les toucha tous encores plus vivement, parce qu’il demeura immobile comme un terme, et les yeux tendus sur elle, et les bras croisez sur l’estomach, sans dire mot, sembloit estre ravy ; et en fin, la monstrant de la main, lorsqu’elle passa devant luy, u dit avec un grand souspir : La voilà. Et puis l’accompagnant des yeux, u ne les destournoit point de dessus elle tant qu’il pouvoit la voir ; mais quand il la perdoit de veue, il se mettoit à courre, et la devançoit, et sans tourner les yeux sur nul autre de la trouppe, il s’arrestoit devant elle, et. la laissoit passer sans luy dire autre chose, et l’alla accompagnant ainsi jusques au sortir du bois. Car (comme s’il y eust eu quelque barriere pour l’en empescher) il n’osa outrepasser le lieu où la premiere fois Diane le vid aupres de Doris, mais de là la suivant des yeux, quand il la perdit de veue ; il se mit à crier : A dieu, Palemon ! et garde-la moy bien. Et à ce mot se r’enfonca dans le bois où presque il demeuroit ordinairement, parce que ç’avoit esté le lieu où Leonide avoit donné son jugement contre luy.

Chacun en eut pitié, horsmis Hylas, qui apres l’avoir