Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/71

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quelque temps consideré, s’en prit à rire, et se tournant vers Silvandre : Voilà, berger, luy dit-il, l’effect de la constance que vous louez si fort. Qui de nous deux, à vostre advis, court plus de danger de luy ressembler ? - Les complexions plus parfaites, respondit Silvandre, sont plus aisément alterées. Et quant à moy, adjousta-t’il en sousriant, j’aymerois mieux estre comme Adraste, que comme Hylas. - Le choix de l’un, dit- Hylas, est bien en vostre pouvoir, mais non pas de l’autre. - Comment l’entendez-vous, reprit Silvandre ? - L’intelligence, continua. Hylas, n’en est pas difficile. Je veux dire que si vous voulez, vous pouvez bien devenir fol comme Adraste, vostre humeur y estant desja assez disposée, mais vous n’aurez jamais tant de merites que vous puissiez ressembler à Hylas. - C’est en quoy vous estes le plus deceu, repliqua Silvandre ; car les choses qui despendent de la volonté peuvent estre en tous ceux qui les veulent, d’autant qu’u n’y a rien de si grand que ceste volonté ne puisse embrasser, mais celles qui despendent de quelque autre ne s’acquierent pas de ceste sorte, les moyens estans bien souvent diffciles. C’est pourquoy chacun qui le veut, peut estre vertueux ou vicieux, mais non pas sain ou malade. Or l’estat où est le pauvre Adraste n’est pas volontaire, mais forcé, comme venant d’une maladie dont les remedes ne sont point en ses mains, et celuy où vous estes despend entierement de la volonté. Si bien que vous