Page:Uzanne - Son altesse la femme.djvu/156

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toute leur vie est l’art de ne point réfléchir. — Quelle méprise ! il n’y a point de savant aussi occupé au milieu d’une bibliothèque qu’une femme à sa toi- lette ; elle étudie alors, avec des efforts d’esprit ex- traordinaires, le moyen de rendre intéressant un visage souvent laid et stupide, de donner à des yeux éteints une vivacité ravissante et de rétrécir une bouche qui se perd jusqu’aux oreilles ; elle se rap- pelle toutes les assemblées où elle doit aller et elle imagine toutes les postures qu’elle doit prendre, tous les points de vue qui lui seront favorables, afin de pouvoir s’y placer ; elle suppute à quelle distance elle doit se mettre des cavaliers qui l’agaceront, et elle règle ces distances selon les âges ; elle parle à son miroir, pour apprendre à parler joliment au mi- lieu des cercles ; et il n’y a point de geste et point de grimace qu’elle ne fasse pour ne rien hasarder dans les compagnies. Tout ceci n’est qu’une légère idée de l’étude des femmes à leur toilette. Il y en a qui y lisent leur conversation, et d’autres qui apprennent de belles phrases de quelque abbé, habile dans l’art de plaire et d’instruire. » >

La toilette fut donc, au xvui0 siècle, selon les termes consacrés, le magasin des agréments, le ré- servoir des grâces, l’école du savoir et de la galante- rie, l’antichambre des succès et de la mode. C’est au petit lever d’une Caillette que se faisoit la réputation d’un auteur critique ou badin. Chacun apportoit sa