Page:Uzanne - Son altesse la femme.djvu/181

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

miliciens nationaux ; elle faisait partie de la Société des Amies de la Constitution et fréquentait assidûment son club où elle déployait, en petits discours et projets, une ardeur civique extraordinaire. Ce n’était point cependant une exaltée, une lècheuse de guillotiné, une Chevalière du Poignard ; rien de désordonné ne hantait sa mignonne petite tête. Avec son instinct de femme nourrie de Rousseau, et jusque-là sans passion au cœur, elle voulait une patrie forte où les filles eussent reçu à l’égal des hommes une éducation mâle, régénératrice, et une éducation physique qui eût participé à la fois de la république de Platon et des lois de Lycurgue. Elle citait toujours la phrase de Danton : « Tout se rétrécit dans l’éducation domestique, tout s’agrandit dans l’éducation commune. On nous parle des affections paternelles ; certes, je suis père aussi, mais mon fils n’est pas à moi, il est à la République. »

« Jacquette avait alors vingt-cinq ans et son veuvage datait déjà de trois années. Trois grandes années de sagesse contre laquelle la médisance n’avait prise. Son mari, bonhomme simple et borné, l’avait adorée, gâtée, choyée avec cette tendresse particulière à certaines natures un peu massives, qui tient plus de la paternité que de l’amour conjugal. Il semblait que ce rustique négociant eût peur de la blesser, de la briser sous ses étreintes trop rudes, tant