Page:Véron - Mémoires d’un bourgeois de Paris, tome 1.djvu/109

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

bouilli, comme relevé de potage ; mais, pour manger ce poisson, notre cuisine française prépare avec prétention les sauces les plus indigestes ; tantôt la crème, tantôt la farine y abondent : compositions lourdes et insipides qui, dès le début du dîner, mises en contact avec les papilles nerveuses de l’estomac, paralysent son action et éteignent l’appétit avant qu’il soit satisfait. Les sauces anglaises et surtout les vins anglais pris en abondance sont presque nécessaires pour la digestion de l’indigeste poisson bouilli.

Tantôt les légumes servent de cortége à des viandes grillées ou rôties ; tantôt ils s’installent sur nos tables dans toute leur simplicité. Une bonne cuisson des légumes importe à leur facile digestion ; tous les légumes ne cuisent pas complétement dans le même espace de temps. Lorsque pour une jardinière ou une salade, vous mélangez plusieurs légumes, il faut donc que chacun soit cuit à part.

Lorsque nous mangeons des truffes, nous avons la vaine prétention de digérer ce tubercule complétement rebelle à l’action de l’appareil digestif. On garnit souvent de truffes des dindes ou des poulardes avancées, dont la fâcheuse odeur se trouve masquée par le parfum de la truffe. L’hygiène voudrait que dinde ou poularde fût, si l’on veut, imprégnée de ce parfum fin et enivrant de la truffe du Périgord, mais ne fût pas servie sur table avec cette surcharge de truffes presque insipides, et dont la substance ne peut s’assimiler à notre organisation.

On a sur la fraîcheur et la bonne qualité des coquillages, crevettes, langoustes, homards, crabes, qui parent nos tables, des idées fausses et des préventions. On attache une grande importance à acheter ces coquillages