Page:Véron - Mémoires d’un bourgeois de Paris, tome 1.djvu/118

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nous envie. Cet ami de Rosman taillait lui-même ses arbres, ses églantiers et sa vigne ; il avait un pressoir et faisait son vin ; mais il se contentait de mettre sa récolte en tonneaux, et un tonneau plein, placé sur deux chaises dans la salle à manger, succédait au tonneau vide ; on tournait la cannelle et on remplissait son verre.

Après le premier plaisir de se revoir, de parcourir des allées ratissées et bien tenues, de respirer toutes ces senteurs coquettes et nourrissantes, on décida que Rosman se ferait campagnard pendant quinze jours : « Je vous promets, Rosman, lui dit son ami, que l’ennui ne vous prendra pas ; j’ai à vous lire quatre comédies ! »

Au bout de deux jours, Rosman avait déjà fait sa malle et ses adieux, n’ayant entendu qu’une comédie, et déjà las du bonheur des champs.

Mon ami Rosman, qui avait rêvé, au milieu d’une honnête aisance, la vie la plus heureuse, à compter du jour de sa retraite, mourut deux années après avoir renoncé à ses travaux de budget, à ses mouvements, à ses alignements, à ses balances de chiffres où il excellait.

Voici la curieuse lettre que mon ami Rosman adressa au ministre de l’intérieur, M. de Rémusat, quand il fut menacé et presque contraint de se démettre de ses fonctions administratives.


Monsieur le Ministre,

L’ordonnance royale de convocation des conseils d’arrondissement ne met dans la nécessité de vous entretenir des affaires dont la direction m’est confiée.

Cette convocation devant être suivie de celle des conseils généraux des départements, la comptabilité soumet annuellement au ministre, à l’époque actuelle :