Page:Véron - Mémoires d’un bourgeois de Paris, tome 1.djvu/127

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naces d’apoplexie. L’apoplexie se produit dans toutes les constitutions les plus diverses ; on est ou on n’est pas voué à l’apoplexie ; et tous les excès qui peuvent la déterminer n’en sont que causes occasionnelles. Un excès peut hâter une attaque ; un excès peut de même la retarder. L’apoplexie, comme toutes les maladies, est surtout héréditaire. C’est donc se créer d’inutiles et souvent de dangereux soucis que de s’en préoccuper.

Saint-Simon nous montre, dans la fin de madame de Montespan, les dangers de ces transes, de ces terreurs de la mort : « Belle comme le jour jusqu’au dernier moment de sa vie, sans être malade, elle croyait toujours l’être et aller mourir. Cette inquiétude l’entretenait dans le goût de voyager, et dans ses voyages, elle menait toujours sept ou huit personnes de compagnie. Elle était tellement tourmentée des affres de la mort, qu'elle payait plusieurs femmes dont l’emploi unique était de la veiller ; elle couchait tous ses rideaux ouverts, avec beaucoup de bougies dans sa chambre, ses veilleuses autour d’elle, qu’à toutes les fois qu’elle se réveillait, elle voulait trouver causant, jouant ou mangeant, pour se rassurer contre leur assoupissement.

» La dernière fois qu’elle alla à Bourbon, et sans besoin, comme elle faisait souvent, elle paya deux ans d’avance de toutes les pensions charitables qu’elle faisait en grand nombre, presque toutes à de pauvre noblesse, et doubla toutes ses aumônes. Elle avait toujours la mort présente ; dans une fort bonne santé, elle en parlait comme prochaine ; et avec toutes ses frayeurs, ses veilleuses et une préparation continuelle, elle n’avait