Page:Véron - Mémoires d’un bourgeois de Paris, tome 1.djvu/150

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ment aux cérémonies religieuses, mais qu’il emportait toujours les Contes de La Fontaine comme livre de messe.

Le cabinet noir fut rétabli sous l’empire. Il existait sous l’ancien régime deux cabinets noirs : le cabinet noir des affaires étrangères, et le cabinet noir de l’administration des postes, qu’on appelait le cabinet du roi. Les employés de ces deux cabinets noirs furent toujours pris, comme on sait, dans une même famille, dont les ancêtres remontaient jusqu’aux temps les plus anciens.

Les deux cabinets noirs ne furent supprimés qu’en 1830 ; mais il existe encore des descendants de cette longue lignée, attachés sous, l’empire et sous la restauration au cabinet noir. Un ou deux de ces vieux employés en retraite touchaient encore une pension au ministère des affaires étrangères avant 1848. À chacune de leurs visites à la caisse, ils gémissaient : « Notre famille va s’éteindre, disaient-ils ; la science et les procédés du cabinet noir périront avec nous ; on commet une grande faute en ne nous donnant pas la mission de faire des élèves. »

J’ai pu voir encore, dès ma première jeunesse, ce vaste bazar pittoresque, animé, bruyant, dont presque tous les commerces se continuaient le jour et la nuit ; j’ai pu voir cette ruche de tous les vices, dont le bourdonnement et l’ivresse du lendemain ressemblaient au bourdonnement, à l’ivresse de la veille ; j’ai pu voir enfin ce vieux Palais-Royal, qui fut visité, et peut-être envié par toute l’Europe ; ce vieux Palais-Royal, où