Page:Véron - Mémoires d’un bourgeois de Paris, tome 1.djvu/247

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« Marchez à la tête des idées de votre siècle, ces idées vous suivent et vous soutiennent.

Marchez à la suite, elles vous entraînent.

Marchez contre elles, elles vous renversent. »

Je ne me suis point imposé une tâche au-dessus de mes forces, celle d’écrire l’histoire ; mais seulement la tâche de dire la vérité sur quelques faits significatifs, dans des récits familiers.

Dans les premiers jours de la restauration, il se produisit une circonstance où l’un des princes de la famille royale, le duc de Berry, sembla montrer personnellement cet esprit de défiance, ce désir d’isolement que j’ai signalé, et qu’on voulait inspirer à Louis XVIII. Le duc de Berry descend à la préfecture de Rouen, encore confiée à M. de Girardin. Le prince, par l’ensemble de son costume, ressemblait tout à fait à un officier anglais. Le préfet lui proposa de passer le lendemain une revue : un régiment de la garde impériale faisait partie de la garnison. Le duc de Berry donna l’ordre que, dans la nuit, ce régiment quittât Rouen.

Le préfet conseilla plus de confiance au duc de Berry : « Prince, lui dit-il, si vous voulez me faire l’honneur de m’écouter, le régiment de la garde impériale ne quittera pas Rouen, et tout ira bien ; seulement, prince, vous consentirez à changer de costume. » Pendant la nuit, on compléta un uniforme d’officier supérieur français pour le duc de Berry ; toutes les autorités de la ville escortèrent le prince, et il n’eut qu’à se féliciter des conseils qu’il avait suivis. La revue fut très-belle, il ne s’y produisit rien d’extraordinaire ni de fâcheux.