Page:Véron - Mémoires d’un bourgeois de Paris, tome 1.djvu/262

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» Virginie a la tête admirablement bien posée, ses mouvements sont pleins de nonchalance et de grâce. Brune de cheveux, blanche de teint, elle abandonne à ses yeux tout l’honneur de sa figure, et ils suffiraient à sa beauté. Modeste et timide, elle laisse quelquefois tomber sur vous ses beaux yeux, dont l’expression est sérieuse et mélancolique, d’une manière si directe et si prolongée, qu’une pareille attention vous inquiète et vous charme ; elle ne se doute pas de l’effet de ses longs regards si expressifs à son insu ; ils sont, pour ainsi dire, absents de la personne qui les reçoit ; ce sont des éclairs de ce feu sacré qu’il faut lui reconnaître, et des préoccupations de sa pensée.

» Un vif instinct d’observation cultivé par l’étude, une grande élévation d’idées fortifiées par l’épreuve de diverses fortunes, une certaine indifférence de cœur qui certainement n’est pas l’égoïsme, voilà les saillies bien prononcées de son caractère.

» Elle peint, et pourrait écrire ; ses ouvrages auraient, je crois, le mérite de ses tableaux, celui de l’imagination et de la vérité.

» La culture d’un art brillant, les souvenirs d’une lecture variée, l’usage et le plaisir de la réflexion, ont tellement agrandi les ressources de son esprit, les dispositions de son caractère et la sphère de ses idées, qu’elle comprend toutes les supériorités, sourit à toutes les gloires, s’identifie à toutes les choses élevées, apprécie tous les mérites et jouit de tous les arts.

» Je crains bien qu’elle ne connaisse trop le genre humain pour être heureuse ; elle a encore la bonne foi de l’indignation ; elle encourra souvent le reproche de ma-