Page:Véron - Mémoires d’un bourgeois de Paris, tome 1.djvu/270

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deau, et tant d’autres, avaient, sinon achevé, du moins poussé bien loin leur œuvre ; ce ne sera donc qu’en parlant de la Revue de Paris que nous publierons les bulletins des victoires gagnées, et que nous pourrons peser et calculer les forces et les efforts de chacun dans ce grand mouvement littéraire qui marque et honore les quinze années de la restauration.

Lorsque les idées prennent le dessus dans une société, les mœurs en sont changées et adoucies. On retrouva le temps et on reprit le goût de la lecture et de la conversation, Une existence honnête et studieuse, l’esprit et le savoir furent comptés pour quelque chose dans le monde, et trouvèrent à faire leur chemin. La culture de l’esprit fit refleurir en France la politesse, cette habitude et cet ensemble d’égards pour autrui, dont témoignent le langage, la physionomie, et toute notre façon d’être.

Mais dans une société polie, on devient bientôt chatouilleux sur le point d’honneur ; ces jeunes officiers qui composaient la maison militaire du roi, et dont on cherchait à blesser le cœur par d’incessants parallèles avec les soldats de l’empire, ne souffraient pas le moindre dédain. De là des duels de tous les jours et toute une petite population de duellistes. On se battait le matin ; on se battait le soir sous les réverbères. J’ai pendant quelques mois fait le service de chirurgien à la maison militaire du roi et j’y ai soigné plus d’un coup d’épée ; j’y ai vu pratiquer plus d’une amputation à la suite de blessures reçues dans des rencontres. Un duelliste entrait au café Français situé sur le boulevard, au