Page:Véron - Mémoires d’un bourgeois de Paris, tome 1.djvu/294

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les compositeurs dont le nom s’est illustré par de nombreux succès sont surtout gens de beaucoup d’esprit. Je connais peu d’hommes plus spirituels qu’Aulier, qu’Halévy, qu’Adam, que Meyerbeer, que Rossini. Chacun a son cachet ; mais ils ont dans l’esprit de la netteté, de la soudaineté, de l’imprévu, de la finesse, un certain charme, une sensibilité exquise, de la pénétration et, ce que j’estime au plus haut degré, du naturel. Tous sont très-gens d’affaires ; il leur faut en effet plus de ressources d’intelligence, plus de profondes combinaisons, plus d’habileté, plus de savoir et de savoir-faire, pour obtenir un premier poëme, pour le faire recevoir et pour faire exécuter leur première partition, qu’il n’en fallut à Beaumarchais pour faire jouer le Mariage de Figaro.

Sous les dehors réservés et sous les façons discrètes de la meilleure compagnie, M. Auber cache tant qu’il peut l’esprit le plus attique et le plus charmant ; sa prétention, c’est d’être paresseux. Les femmes, les chevaux, les boulevards, le bois de Boulogne et la musique : c’est tout ce qu’il aime. Il se rappelle avoir traversé la Manche dès sa première jeunesse, pour se rendre en Angleterre ; mais il n’a jamais fait d’autre infidélité à son Paris, ni pour le midi, ni pour le nord de l’Italie. J’ai assisté à la répétition générale de la Muette, dans lesv derniers jours de février 1828 : j’aurais parié que M. Auber avait été chercher sss inspirations et ses pittoresques mélodies sous le beau ciel de Naples ; il les avait trouvées, soit au trot dans une allée du bois de Boulogne, soit dans des causeries intimes avec les beautés, aux séductions engageantes, de nos théâtres lyriques.

Il y a de la verve, de la fécondité, du brillant, de la