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compositeur que sa partition était reçue. Elle fut portée à la copie et les répétitions commencèrent.

Un fantôme semble sortir de son tombeau pour renverser encore les espérances d’Halévy ; ce fantôme, c’était le sculpteur Phidias, jaloux du sculpteur Pygmalion. M. Jouy avait, en effet, de son côté, mis Phidias en opéra, la musique était de M. Fétis ; cet opéra avait été reçu, Phidias devait avoir, par ancienneté, le pas sur Pygmalion ; on devait d’ailleurs des égards à M. Jouy et à M. Fétis.

Il arriva de ce conflit que ni Pygmalion, ni Phidias, ne virent le feu de la rampe de l’Opéra, et que poètes et musiciens furent forcés d’ensevelir dans le même tombeau les deux grands sculpteurs, leurs vers et leurs partitions.

Halévy put enfin faire exécuter une première partition à l’Opéra-Comique ; il obtint un poème en un acte intitulé : l’Artisan.

C’était en été, Boïeldieu donnait une soirée ; il demeurait boulevard Montmartre, dans une maison qu’habita aussi Rossini. Les fenêtres étaient ouvertes ; Halévy, accoudé sur le balcon, voit se diriger vers la maison de Boïeldieu le directeur de l’Opéra-Comique, Guilbert Pixérécourt ; il n’avait pu être admis auprès de lui qu’une seule fois et à grand’peine.

Pixérécourt fait son entrée dans le salon, il est bientôt entouré. Boïeldieu et Cherubini jouaient en ce moment une partie d’écarté ; Pixérécourt s’approche de la table de jeu, il parie pour Cherubini ; il perd. Cherubini se lève, et plusieurs joueurs se succèdent à cette place