Page:Véron - Mémoires d’un bourgeois de Paris, tome 1.djvu/326

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politique placée au milieu de l’ancien monde : craignons qu’il ne s’établisse une destruction beaucoup plus funeste, craignons une destruction morale par le côté mauvais de cette révolution. Que deviendrait l’espèce humaine, si l’on s’évertuait à réhabiliter des mœurs justement flétries ; si l’on s’efforçait d’offrir à notre enthousiasme d’odieux exemples, de nous présenter les progrès du siècle, l’établissement de la liberté, la profondeur du génie dans des natures abjectes ou des natures atroces ? N’osant préconiser le mal sous son propre nom, on le sophistique : donnez-vous garde de prendre cette brute pour un esprit de ténèbres, c’est un ange de lumière ! Toute laideur est belle, tout opprobre honorable, toute énormité sublime ; tout vice a son admiration qui l’attend. Nous sommes revenus à cette société matérielle du paganisme, où chaque dépravation avait ses autels. Arrière ces éloges lâches, menteurs, criminels, qui faussent la conscience publique, qui débauchent la jeunesse, qui découragent les gens de bien, qui sont un outrage à la vertu et le crachement du soldat romain au visage du Christ ! … »

Ce fut à Nimes que M. Guizot apprit sa nomination aux fonctions de secrétaire général du ministère de l’intérieur ; une lettre amicale de M. Royer-Collard l’en informait. M. Royer-Collard l’invitait à partir immédiatement pour Paris, et à venir se mettre au plus vite à la disposition de l’abbé de Montesquiou. M. Guizot fut nommé en même temps maître des requêtes au conseil d’État. Il n’avait pas encore vingt-sept ans.

Louis XVIII régnait au milieu de toutes les menaces, de tous les périls, au milieu des ennemis implacables