Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 1, 1931.djvu/123

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chose de plus dans ton acte assujetti à un modèle, que dans l’acte précédent qui ne tendait à rien, qu’à rayer l’enduit d’une muraille. Et pourtant la figure tracée, — le galbe d’un vase, ou la bizarre sinuosité du nez de Socrate, — n’est pas en soi plus géométrique que la ligne aveuglément conduite tout d’abord. Chaque instant de ton mouvement est étranger aux autres instants. Rien de nécessaire ne lie la concavité de mon nez à la convexité de mon front. Mais ta main, cependant, n’est plus libre d’errer sur le mur ; à présent, « tu veux » quelque chose, et tu imposes à ton tracement cette loi extérieure : qu’il reproduise une forme donnée. Tu t’obliges à ceci, et même tu as défini cette loi que tu t’es imposée, par ces quelques mots « représenter l’ombre de la tête de Socrate sur une surface plane ». Cette loi n’est pas suffisante pour guider ta main, puisqu’il y faut encore la présence du modèle ; mais elle régit l’ensemble de son action ; elle en fait un tout, qui a sa fin, sa sanction, et ses bornes.

Phèdre

En vérité, je pourrais donc dire que je fais acte géométrique, mais que la figure elle-même qui en résulte, n’est pas géométrique ?