Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 1, 1931.djvu/156

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Socrate

Et les humains, de mille manières, ne s’efforcent-ils pas de remplir ou de rompre le silence éternel de ces espaces infinis qui les effraye ?

Phèdre

Ta propre vie s’y est consumée !… Mais moi, je ne me console point de la mort de cet architecte qui était en toi, et que tu as assassiné pour avoir trop médité sur le fragment d’une coquille ! Avec ta profondeur et tes finesses prodigieuses, Socrate, tu aurais laissé derrière toi nos constructeurs les plus fameux. Ictinos, ni Eupalinos de Mégare, ni Chersiphron de Gnosse, ni Spinthanos de Corinthe, n’eussent été capables de rivaliser avec Socrate l’Athénien.

Socrate

Phèdre, je t’en supplie !… Cette matière subtile dont nous sommes faits à présent, ne nous permet pas de rire. Je me sens devoir rire, mais, je ne puis pas… Cesse donc !

Phèdre

Mais sans rire, Socrate, qu’aurais-tu fait, architecte ?