Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 1, 1931.djvu/191

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Phèdre

Je les tiens très heureux que tu sois un architecte mort !

Socrate

Faut-il me taire, Phèdre ? — Tu ne sauras donc jamais quels temples, quels théâtres, j’eusse conçus dans le pur style socratique !… J’allais te faire penser comment j’aurais conduit mon ouvrage. Je déployais d’abord toutes les questions, et je développais une méthode sans lacunes. Où ? — Pour quoi ? — Pour qui ? — À quelle fin ? — De quelle grandeur ? — Et circonvenant de plus en plus mon esprit, je déterminais au plus haut point l’opération de transformer une carrière et une forêt, en édifice, en équilibres magnifiques !… Et je dressais mon plan, eu égard à l’intention des humains qui me payent ; compte tenu des localités, des lumières, des ombres et des vents ; choix fait de l’emplacement selon sa grandeur, son exposition, ses accès, ses tenants et aboutissants et la nature profonde du sous-sol…

Puis, de matières brutes, j’allais composer mes objets tout ordonnés à la vie et à la joie de la race vermeille… Objets très précieux pour le corps, délicieux