Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 11, 1939.djvu/115

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plans, expériences, essais, tâtonnements, précipités, dans tous les ordres.

La Russie, l’Allemagne, l’Italie, les Etats-Unis, sont comme de vastes laboratoires où se poursuivent des recherches d’une ampleur inconnue jusqu’ici ; où l’on tente de façonner un homme nouveau, de faire une économie, des mœurs, une vie, et même des religions nouvelles. Et il en est de même dans les sciences, dans les arts et en toutes choses humaines.

Mais, en présence de cet état si angoissant d’une part, si excitant de l’autre, la question même de l’intelligence humaine se pose ; la question de l’intelligence, de ses bornes, de sa préservation, de son avenir probable se pose à elle-même et lui apparaît la question capitale du moment.

En effet, le désordre dont je vous ai parlé, les difficultés dont je vous entretiens, ne sont que les conséquences évidentes du développement intellectuel intense qui a transformé le monde. C’est le capitalisme des idées et des connaissances et le travaillisme des esprits qui sont à l’origine de cette crise. Nous trouvons facilement à la racine des phénomènes politiques et économiques de notre époque, — de la pensée, des études, des raisonnements, des travaux intellectuels. Un seul exemple : l’introduction de l’hygiène au Japon a fait que la population de cet empire a doublé en trente-cinq ans !… Quelques notions ont créé en trente-cinq ans une pression politique énorme.

Ainsi l’action de l’esprit, créant furieusement, et comme dans l’emportement le plus aveugle, des moyens matériels de