Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 11, 1939.djvu/124

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particuliers s’élèvent sans le moindre souci des exigences les plus simples du sentiment de la forme.

Mais j’effleure ici le domaine des choses morales. Notre décadence dans l’ordonnance des bâtiments et des perspectives tient, en grande partie, à l’exagération de la manie du contrôle, qui est elle-même un symptôme de la dégénérescence du goût de la responsabilité.

Cette ordonnance des constructions et des créations urbaines ne peut être qu’une action volontaire bien déterminée. Elle est une œuvre d’art. Elle ne doit donc pas résulter des délibérations d’un conseil, d’un comité, d’une commission, d’un corps constitué quelconque, aussi bien composé qu’on le voudra. Construire, c’est ici réaliser un certain souhait de l’œil, souhait que l’esprit peu à peu précise, approfondit, rapproche de son exécution, par les actes, et dans la matière. Mais une des marques de la défaillance du caractère dans notre temps est de subordonner l’action au contrôle de l’action et de placer la défiance et la délibération un peu partout.

Je reviendrai sur cela tout à l’heure.

Abordons, à présent, un des objets capitaux de notre examen. Le plus important, peut-être.

Tout l’avenir de l’intelligence dépend de l’éducation, ou plutôt des enseignements de tout genre que reçoivent les esprits. Les termes d’éducation et d’enseignement ne doivent pas être pris ici dans un sens restreint. On songe généralement, quand on les prononce, à la formation systématique de l’enfant et de l’adolescent, par les parents ou par des maîtres. Mais n’oublions pas que notre vie tout entière peut être considérée comme une éducation non plus organisée, ni même organisable, mais, au con-