Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 11, 1939.djvu/125

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traire, essentiellement désordonnée, qui consiste dans l’ensemble des impressions et des acquisitions bonnes ou mauvaises que nous devons à la vie même. L’école n’est pas seule à instruire les jeunes. Le milieu et l’époque ont sur eux autant et plus d’influence que les éducateurs. La rue, les propos, les spectacles, les fréquentations, l’air du temps, les modes qui se succèdent, (et, par mode, je n’entends pas seulement celles du vêtement et des manières, mais celles qui s’observent dans le langage), agissent puissamment et constamment sur leur esprit.

Mais donnons d’abord notre attention à l’éducation organisée, celle qui se dispense dogmatiquement dans les écoles. Je ferai une remarque préliminaire qu’exige, à mon avis, la caractéristique la plus manifeste de notre temps. J’estime qu’on ne peut plus traiter une question quelconque qui concerne la vie humaine sans tenir compte des diverses formes qu’elle revêt dans l’ensemble du monde civilisé. En toute matière, notre époque exige de nous ou nous impose un regard plus étendu qu’il ne le fut jadis. On ne peut plus restreindre l’étude d’un problème humain à ce qui se passe dans une certaine nation. Il faut étendre son investigation aux peuples voisins, parfois à des peuples très éloignés. Les relations humaines sont devenues si étroites et si nombreuses, et les répercussions si rapides, et souvent si surprenantes, que l’examen des phénomènes de tous ordres qui s’observent dans un canton restreint ne peut suffire à nous renseigner sur les conditions et les possibilités d’existence dans ce même cercle restreint, même locales. Toute connaissance est, aujourd’hui, nécessairement une connaissance comparée.

Eh bien, les hommes de demain en Europe, c’est-à-dire les enfants et les adolescents d’aujourd’hui, se divisent en groupes