Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 11, 1939.djvu/16

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qui s’enhardit à rompre le silence général et à prendre la parole.

Je n’ai pas connu Victor Hugo, et j’en ai, vous le pensez bien, un immense regret. Mais enfin j’avais treize ans quand il est mort, et j’avoue que j’avais encore fort peu produit.

Victor Hugo accueillait volontiers les jeunes poètes. Stéphane Mallarmé nous contait quelquefois que, faisant un jour une visite au grand homme, Hugo le prit par l’oreille et lui dit : « Ah ! Ah ! voilà mon cher poète impressionniste. »

Victor Hugo confondait un peu les écoles. Il était capable de toutes. Cependant, pour l’observateur d’aujourd’hui, il semble en quelques endroits plus proche de la poésie qu’on appelait symbolique que ne le furent ses successeurs immédiats, les poètes du Parnasse.

Il y a dans les vers de Victor Hugo, surtout dans ceux de la la dernière période de sa vie, quelques-uns des plus beaux vers « symbolistes » qu’on ait jamais écrit.

Entre parenthèses, je crois bien qu’il n’était pas du tout du sentiment de ces personnes qui réduisent la littérature à sa formule la plus simple, qui la ramènent à ce type : « Vous voulez dire qu’il pleut, dites qu’il pleut. »

Dans une magnifique pièce qu’il a consacrée au souvenir et à la gloire de Théophile Gautier, pièce écrite un an ou deux après la mort du poète, Victor Hugo, âgé de soixante et onze ans, pouvant se voir tout près de sa fin, ayant vu mourir tous ses émules, presque tous ses amis et quelques-uns de ses disciples,