Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 4, 1934.djvu/165

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refaire, les observations qui se superposent, appartiennent à la Physique, et dans quelque mesure, à la Biologie.

Mais n’allez pas croire que ce soit sans fruit que l’on médite le passé en ce qu’il a de révolu. Il nous montre, en particulier, l’échec fréquent des prévisions trop précises ; et, au contraire, les grands avantages d’une préparation générale et constante, qui, sans prétendre créer ou défier les événements, lesquels sont invariablement des surprises, ou bien développent des conséquences surprenantes, — permet à l’homme de manœuvrer au plus tôt contre l’imprévu.

Vous entrez dans la vie, jeunes gens, et vous vous trouvez engagés dans une époque bien intéressante. Une époque intéressante est toujours une époque énigmatique, qui ne promet guère de repos, de prospérité, de continuité, de sécurité. Nous sommes dans un âge critique, c’est-à-dire un âge coexistent bien des choses incompatibles, dont les unes et les autres ne peuvent ni disparaître, ni l’emporter. Cet état des choses est si complexe et si neuf que personne aujourd’hui ne peut se flatter d’y rien comprendre ; ce qui ne veut pas dire que personne ne s’en flatte. Toutes les notions que nous tenions pour solides, toutes les valeurs de la vie civilisée, tout ce qui faisait la stabilité des relations internationales, tout ce qui faisait la régularité du régime économique ; en un mot, tout ce qui limitait assez heureusement l’incertitude du lendemain, tout ce qui donnait aux nations et aux individus quelque confiance dans le lendemain, tout ceci semble fort compromis. J’ai consulté tous les augures que j’ai pu trouver, et dans tous les genres ; et je n’ai entendu que des paroles fort vagues, des prophéties contradictoires, des assurances curieusement débiles. Jamais l’humanité n’a réuni tant de puissance à