Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 5, 1935.djvu/53

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guerre, dans le caractère, dans les conceptions, dans la conduite des idées.

Nul ne pouvait nous composer un éloge plus véritable du maréchal Foch, nous en représenter les travaux et les actes avec plus de lucidité, de rigueur et de connaissance immédiate des choses que vous n’étiez en possession de le faire.

C’est là, Monsieur, ce que vous venez d’accomplir. Nous venons d’entendre de votre bouche la raison expliquer l’imagination, la fermeté circonscrire le feu, le calme mesurer la tempête ; et un admirable tacticien, un parfait artiste dans l’art de la force nous a développé en maître les desseins et les entreprises du poète enthousiaste de l’énergie stratégique.


Nous vous avons écouté avec une attention toute particulière que nous commandaient non seulement votre personne et le grand sujet de votre discours, mais encore certaines circonstances dont on ne peut se défendre de ressentir du regret.

Cette guerre si proche encore, et toujours si présente, est déjà imparfaitement connue dans quelques-unes de ses parties. Il est des points qui s’obscurcissent sous nos yeux ; des jugements qui furent simples se nuancent, et il se produit je ne sais quels troubles et quels doutes dans l’opinion. Ce qui fut fait, ce qu’on eut pu faire ; les vrais ressorts des décisions qui furent prises ; le rôle de chacun dans la victoire, tout ceci se ranime et se discute ; et voici que nous assistons au pénible enfantement de ce qui sera la vérité, et que nous sommes les témoins assez divisés de la formation difficile de l’histoire. C’est en quelque sorte l’avenir du passé qui est en question, et qui se trouve disputé, même entre grandes ombres. Ceux qui s’unirent et qui s’admiraient dans le