Page:Vallès - Le Bachelier.djvu/101

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Le Dieu qu’il adore m’est témoin que je n’y mis point de brutalité. Ma voix ne s’enfla pas pour réclamer de lui cette faveur, et je le plaçai sans violence dans la position qui convient le mieux au but que je voulais atteindre. J’avais plutôt l’air de lui faire un cadeau qu’une menace ; et je visai avec la froideur et la précision d’un tireur qui a un beau coup de fusil.


Le trouble s’est mis dans la manifestation. Que va-t-elle devenir ?

« Chez Michelet ! » crie une voix.

Je m’étonne et je proteste.

« Chez Michelet ? Non ! Restons ici ! »

On me demande de développer mon plan.

« Le voici : Nous ne laissons entrer ni sortir personne ; c’est nous qui allons arrêter les suspects et chercher les mouchards.

— La police viendra.

— Eh bien ?

— Ils tireront l’épée !

— Tant mieux !

— On enverra la troupe !

— Qu’on l’envoie ! qu’on pusse dire qu’il a été nécessaire de dégainer contre nous, de dépêcher une brigade, de faire venir des soldats ! »

Je rêve ce tumulte, les officiers arrivant au pas de course, les tambours battant, les sommations faites.

Reculera-t-on ? les étudiants tiendront-ils ? Je ne sais ; mais il y aura eu au moins une odeur de révolte et de révolution.