Page:Vallès - Le Bachelier.djvu/322

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partis après avoir enterré sa mère, cueille des fleurs sur la tombe de celle qui n’est plus. La nuit venue, elle les vend pour acheter du pain.

Elle fait tous les cimetières de Paris, bien triste, naturellement ! Elle se suffit avec ça. Un soir enfin, elle trouve un vieux monsieur qui est frappé de voir une bouquetière offrir des fleurs avec des larmes dans la voix, et une branche de saule pleureur dans les cheveux — ma bouquetière a toujours une branche de saule pleureur sur sa petite tête d’orpheline — il lui demande son histoire.

Elle la lui raconte en sanglotant. Ce monsieur l’adopte, lui fait apprendre le piano, et puis la marie richement.

« Vous le voyez, mon cher Boulimier, c’est la bouquetière prise à un point de vue émouvant, et, j’ose le dire, assez nouveau ? »


Je trouve le lendemain une note de Boulimier :

« Je vous avais calomnié, je vous en demande pardon. En effet, il y a quelque chose à faire avec cette idée touchante d’une orpheline qui ne vend que des fleurs de cimetière. Mais avez-vous songé à l’hiver ? Que vendra-t-elle l’hiver ?

« Les mères se demanderont où couche votre héroïne. Est-elle en garni ou dans ses meubles ? on ne loue pas facilement, vous savez bien, aux orphelines de huit ans. Je ne vois pas comment vous pourriez traiter cette question de logement. La passeriez-vous sous silence ? Oh ! mon ami !… Ne