Page:Vallès - Le Bachelier.djvu/389

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Je dois savoir faire une lettre, puisque j’ai été dix ans au collège.

« Vous viendrez après-demain. »

J’arrive au jour dit.

On me regarde beaucoup.

Les blouses bleues, les bourgerons, les tricots, les cottes, les chemises de couleur, les ouvriers et les hommes de peine toisent ma redingote noire avec un air de pitié.

Ma redingote est propre, cependant : elle est boutonnée ; c’est pour cacher le gilet qui est fripé, mais il n’y a ni taches, ni trous, et mon col retombe bien blanc sur ma cravate de satin noir. Mes souliers brillent.

Vais-je briller aussi ?

« Par ici, monsieur Vingtras… »

M. Maillart me conduit à travers une longue galerie encombrée de débris de fer rouillé, jusqu’à un cabinet vitré où il y a une chaise haute, un pupitre très haut aussi, du papier bleu, des plumes d’oie et le courrier du matin.

« Voilà votre bureau. »

Je fais une mine de satisfait ; j’esquisse un sourire de reconnaissance.

« Maintenant, ajoute M. Maillart, vous allez dépouiller cette correspondance ; je reviendrai dans une heure et vous me montrerez votre classement, vos pointages… J’ai dit à celui qui faisait la besogne avant vous, de n’arriver que vers midi, pour voir comment vous vous en tirerez par vous-même. »