Page:Vallès - Le Bachelier.djvu/423

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Cette fois, à cinq pas !

J’ai fondu sur Legrand.

Je lâche le chien. Legrand reste immobile : il semble rire.

Je me replace, l’arme à l’oreille !

Où la balle va-t-elle m’atteindre ? C’est la sensation de la douleur qui m’empoigne : elle court sur moi, il y a des places que je sens plus chaudes. C’est dans une de ces places qu’il va y avoir un trou où fourrer le doigt, et par où ma vie fichera le camp.


Mais Legrand a tourné sur lui-même ; le sourire que j’attribuais à la joie d’avoir échappé et de me tenir à sa merci court toujours sur ses lèvres.

Ce sourire est une grimace de douleur.

J’aperçois un gros flot de sang !

Il tourne encore, essaie de lever son bras qui retombe.

« Je suis blessé. »


On accourt : la balle a fait trois trous, elle a traversé le bras, et est venue mourir dans la poitrine.

Collinet s’approche, coupe l’habit et, après quelques minutes d’examen, nous dit à demi-voix :

« La blessure est grave — il en mourra probablement. »

Je ne le crois pas ; — pas plus que je ne croirais mourir moi-même, parce que j’aurais un peu de plomb dans les os. Nous avons trop de force. Elle ne peut