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Page:Vallès - Les Réfractaires - 1881.djvu/129

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UN RÉFRACTAIRE ILLUSTRE.

venait le saisir, un sommeil fatigant, difficile, pénible. À huit heures, il prenait le chemin de la rue de Fleurus, frappait chez un peintre nommé Lehenaff ; on jetait du bois dans la cheminée et le pauvre Planche se réchauffait.

Son frère, un digne et excellent homme, était plein pour lui d’égards et de bontés. C’est lui qui avait meublé la tour et qui se trouvait toujours là pour soutenir les douleurs du malheureux écrivain. Mais Gustave Planche hésitait à frapper à la porte de sa famille, et après comme avant son départ de la rue des Cordiers, il se trouva souvent en peine pour reposer sa tête et passer la nuit. La crainte des créanciers le poursuivait sans cesse. Un jour il se rend aux Français, sans argent pour le moment, sans un logement pour la nuit. Il avait peur des visites à son domicile. Il s’assied à l’orchestre, à côté d’un ami, d’un de ces vieux amis à qui l’on est presque heureux d’emprunter parce qu’ils sont heureux de prêter. Voilà notre grand critique bien riche ; il a un louis dans sa poche. Il est fort tard ; il s’agit de trouver un gîte. À cette époque le Palais-Royal était entouré de masures ; des rues étroites, sombres et tristes venaient aboutir à la place. À peine des lanternes sales pour éclairer les coins. — Il sonne à quelques portes. Plus une chambre, plus un lit. Enfin il frappe de sa grosse canne dans les volets d’une maison borgne. On lui donne un lit — ce sera trois francs. Il paye et reste un mois à trois francs la nuit. Jamais il n’avait trente francs pour