Page:Variétés Tome I.djvu/365

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rehaussé son tableau. Ma partie ne l’a que trop longtemps gardé chez lui : il étoit depuis deux ans l’objet de son amitié, et les artificieuses caresses de ce traître animal avoient sçu si bien gagner son cœur, que, quelque dure que fût sa pauvreté, Mitoulet (grâce à la vigilance et aux soins de son maître) ne s’en étoit presque jamais senti ; mais tel est le caractère d’un traître, que rien ne peut jamais mériter sa reconnoissance.

Un soir que Polichinel, accablé d’inanition et d’inquiétude, étoit assis au coin de son feu, plus triste de n’avoir rien pour le souper de Mitoulet que pour le sien propre, ce scélérat, que dis-je ? ce trop digne chat, ne pouvant plus long-temps se retenir, s’élance avec furie sur Polichinel ; il eût sans doute ajouté à toutes les belles actions qu’on vous a décrites celle d’étrangler son maître, si Polichinel, dans ce danger, n’eût eu la présence d’esprit de prendre son sabot et d’en casser la tête de cet ingrat animal, qui ne payoit tous les bons traitemens de son maître que par la plus noire de toutes les perfidies.

Vous voyez bien, Messieurs, par ce récit aussi vrai que touchant :

Premièrement, que Polichinel, en tuant le traître Mitoulet, ne l’a puni que comme il le méritoit ;

Secondement, que les tourmens les plus affreux n’auroient pu effacer la noirceur de son crime.

Troisièmement, qu’un scélérat capable d’une telle trahison n’avoit été que trop long-temps comblé de caresses par Polichinel ;