Page:Variétés Tome I.djvu/64

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ou autrement, voulut contrepointer de point en point ceste opinion et renverser ceste proposition.

Vous qualifiez du nom de singularité des choses que je nomme singeries des femmes, dit-il, car si vous ostez de ce sexe les singeries et les folies dont elles sont remplies, vous destruirez toute leur essence, et ce qu’elles ont de singulier en elles.

À ce mot, chacun commença à murmurer ; un bruit sourd s’espandit dans la chambre, et les femmes qui assistoient à ceste assemblée se promirent bien de le faire desdire de la parole qu’il advançoit.

Mais le gentil homme, d’un visage hardy : Non, non (poursuit-il), ne vous estonnez aucunement de ceste mienne première demarche ; mais suspendez un peu votre jugement : j’espère faire en sorte de vous rendre contens en ce que je vous ay proposé.

Il y a quelques années que, feuilletant un ancien codice intitulé : le Répertoire des choses humaines, je trouvay que les dieux, voulant bastir et former l’homme, prindrent une grosse masse de terre, laquelle ils pestrirent longuement avec je ne sçay quelle mixtion celeste, et un temperament des qualitez elementaires (bien que les chimistes soient d’une autre opinion), puis, ayant mis toute cette masse à la fonte, firent l’homme composé d’une ame raisonnable, œuvre où l’art surmonta la nature, et où les dieux mesmes admirerent leur propre industrie, pour les richesses et raretez qui y furent encloses ; et d’autant qu’il se rencontra beaucoup de matière qui restoit, ne voulant les dieux qu’une si divine composition fust perdue, ils la remirent de rechef à la fonte ; mais ils ne s’apperceurent qu’à la