Page:Variétés Tome II.djvu/311

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nier, elle avoit fait part de l’affaire à un gentilhomme qu’elle nomma, qui s’étoit engagé à lui envoyer, quand elle voudroit, une compagnie de cavalerie. Le greffier en dressa son procès-verbal, et lui fit signer. On a cru que son confesseur l’avoit obligée à faire cette déclaration.

Tout cela se passa en présence de mon ami, qui, prenant congé de cette dame, lui dit qu’il avoit été prié par son frère de prendre soin de son corps, et qu’il s’en acquitteroit bien.

Comme ce gentilhomme fut dans la Bastille depuis les neuf heures du matin jusqu’à trois heures après midi, qui fut celle de l’exécution, il vit et entendit tout ce qui se passa, dont il m’entretint ; et je vais vous en dire tout ce que ma mémoire m’en pourra fournir pour satisfaire autant que je pourrai votre curiosité.

Un peu auparavant les dix heures du matin, on fut éveiller cette pauvre dame, qui dormoit profondément, ce qui est bien extraordinaire. On lui dit qu’on la demandoit à la chapelle, ce qui, joint aux larmes qu’elle vit sur le visage de sa demoiselle, lui fut un presage assuré de sa perte. Elle demanda ses habits sans donner aucune marque de foiblesse, et dit qu’elle voyoit bien qu’il falloit se résoudre à mourir. Elle pria qu’on fît retirer sa demoiselle, qui l’attendrissoit, et descendit en bas avec une assurance qui surprit tout le monde. Dès que l’arrêt fut prononcé à tous ces criminels, le chevalier de Rohan se tourna vers elle, et lui dit qu’il croyoit ne l’avoir jamais vue, et que le chevalier de Préault leur