Page:Variétés Tome II.djvu/93

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que cognoissance occulte qu’eust eu Fava de ce qu’il disoit, il estoit vray que Bertoloni avoit esté en la maison du marquis de Palavisine, et que ce qu’il contoit s’y estoit passé ; mais il n’estoit pas vrai que Fava y eust esté, et toutefois il conta si particulièrement et accortement cette entreveuë supposée, que Bertoloni se persuada lors qu’il estoit vray, et fut contraint de dire : Oüy, c’est là où j’ay eu l’honneur d’avoir veu vostre seigneurie illustrissime.

Tel fut l’entretien et le deportement de Fava pendant les six jours qu’il demeura à Venise au logis de Bertoloni. Dededuire les autres particularitez qui firent remarquer son jugement, son esprit et son experience, il seroit trop long : suffit de dire que pendant ce temps on le creut universel, non seulement ès sciences humaines et divines, mais aussi en la cognoissance de toutes les affaires et secrets du monde ; ce qui faisoit que Bertoloni l’honoroit et affectionnoit d’autant plus qu’il voyoit que son merite correspondoit à sa qualité ; et toutefois, quand il fut question bailler à Fava les seguins, diamans, perles et chesnes d’or, Bertoloni, homme fort advisé, et principalement en ce qui regarde la marchandise et la banque, ayant esté nourry vingt ou trente ans parmy les marchands banquiers de Venise, et experimenté au faict de Realte, voyant que la lettre de creance de l’evesque de Concordia portoit seulement qu’il se fist payer du contenu en la lettre de change qui appartenoit au prélat qui en estoit le porteur, et ne portoit pas expressément : Baillez-luy le contenu en la lettre quand vous l’aurez receu, il douta et escrivit à l’evesque de Concordia pour sçavoir s’il baille-