Page:Variétés Tome IV.djvu/223

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Et cependant, s’il vient quelqu’un mort de nouveau,
Je le puis bien passer ou le mettre dans l’eau.
Sinon, viens avec moy chez Pluton et sa garce.
Tu ne bailleras rien pour entendre la farce.
Caron, voyant que tout alloit de la façon,
Jugea qu’il le vouloit payer d’une chanson3.
Il dist entre ses dents : Jamais homme du monde
Sans avancer l’argent ne passera cette onde.
Garguille, de ce trait tout aise et tout joyeux,
Le signe en s’en allant et du doigt et des yeux ;
Il l’estime nyais, et, secouant la teste,
Monstre qu’il duperoit une plus fine beste.
Cependant il arrive à la porte d’enfer,
Où, frappant comme un sourd, il resonne le fer.
Il tance le portier, qui rit de sa colère ;
Mais aussi tost qu’il vit l’effroyable Cerbère
Qui, faisant le custos, y sembloit sommeiller,
Il passa doucement de peur de l’eveiller :
Car, n’ayant jamais veu de si terribles suisses,
Il craignoit d’estre pris aux jambes ou aux cuisses.
Mais comme il fut devant le palais de Pluton,
Un huissier rechigné luy monstra le baston :
Quoy ! fol outrecuident ! quelle effrontée escorte
T’ose bien faire voir le cuivre de la porte ?
Le roy demeure icy ; les juges criminels
N’osent voir sans congé ses louvres eternels,
Et tu viens hardiment en cette digne place !
Juge donc le peril où t’a mis ton audace.



3. On connoît sur cette expression : payer quelqu’un d’une chanson, le joli conte que Bonaventure des Périers a imité du Pogge.