Page:Variétés Tome IX.djvu/262

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dame, poussée de l’esprit de Dieu, ne se souciant des grandeurs et dignitez mondaines, pourveu qu’elle peust acquerir le royaume eternel de paradis, se resolust depuis n’aguières de quitter son mary, du quel elle estoit autant aimée qu’autre dame qu’il eust en mariage (si l’on peut dire mariage qui se faict ainsi parmy les payens), en estant devenu amoureux pendant qu’elle estoit esclave en Grèce, où il l’achepta pour l’espouser. Ayant donques communiqué ce sien desir à huict chrestiens esclaves, qui luy estoient donnez du roy son mary pour son service, et eux ayant remercié grandement Dieu pour avoir donné à leur maistresse une si bonne et saincte resolution, promirent de luy garder fidelité et tenir secrette sa deliberation. Elle, depuis, requerit son mary qu’il luy pleust de commander qu’on luy fist tout exprès un brigantin propre pour s’aller pourmener jusques à une prochaine seigneurie des leurs, et aussi pour s’aller esgaier sur mer, comme est la coustume des grands seigneurs et dames ; chose que luy fust tout aussi tost accordée de son mary, comme celuy qui eust pensé toute autre chose de sa femme que ceste-cy ; et par ainsi fust donné aus dicts esclaves de faire dresser le dict brigantin avec toute diligence et en la plus belle forme que se peut imaginer, ce que fust executé avec extrême vitesse. Or, comme Dieu preste la main par aide speciale à telles entreprinses, il disposa si heureusement les affaires, que le roy son mary fust mandé de venir en la cour du grand seigneur, par le quel mandement il fust contrainct de se partir incontinent. Par quoy ayant dict à Dieu à sa femme bien