Page:Variétés Tome IX.djvu/318

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fondé sur le bien des affaires, pour la conduite desquelles il croyoit ne pouvoir s’en passer, et qu’il alloit voir qu’elle le recevroit bien. Là dessus, le cardinal entra, assez interdit de la rencontre qu’il venoit de faire. Il s’approcha de la reyne, mit un genou à terre, commença un compliment fort soumis. La reyne l’interrompit et le fit lever assez honnêtement. Mais, peu après, la marée commença à monter : les secheresses, puis les aigreurs vinrent ; après les reproches et les injures très assenées, d’ingrat, de fourbe, de perfide et autres gentillesses, qu’il trompoit le roy et trahissoit l’Estat, pour sa propre grandeur et des siens ; sans que le roy, comblé de surprise et de colère, pust la faire rentrer en elle-même et arrêter une si etrange tempête ; tant qu’enfin elle le chassa et luy defendit de se presenter jamais devant elle. Mon père, que le roy regardoit de fois à autre comme à la scène precedente, m’a dit souvent que le cardinal souffroit tout cela comme un condamné, et que luy-même croyoit à tous instants rentrer sous le parquet. À la fin le cardinal s’en alla. Le roy demeura fort peu de temps après luy, à faire à la reyne de vifs reproches, elle à se defendre fort mal ; puis il sortit, outré de depit et de colère. Il s’en retourna chez luy, à pied, comme il etoit venu, et demanda en chemin à mon père ce qu’il luy sembloit de ce qu’il venoit de voir et d’entendre. Il haussa les epaules et ne repondit rien.

La Cour, et bien d’autres gens considerables de Paris s’etoient cependant assemblés à Luxembourg et à l’hôtel des Ambassadeurs pour faire leur cour,