Page:Variétés Tome IX.djvu/329

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gué après eux, ou en grade, ou en merite et connoissance, furent de cet avis ; et pour le moins autant qu’eux le cardinal de Richelieu. Ils le declarèrent au roi, qui en fut très choqué, et plus encore quand le cardinal lui representa la necessité d’une prompte retraite, par les raisons des lieux, des logements, des vivres, de la saison, qui feroient perir l’armée. Ils redoublèrent, et comme le cardinal vit qu’il ne gagnoit rien sur l’esprit du roy, qui faisoit plutôt des voyages que des promenades continuelles parmi les neiges et les rochers, pour s’informer et reconnoître par luy-même des endroits et des moyens d’attaquer ces retranchements, le cardinal eut recours à un artifice par lequel il crut venir à bout de son dessein. Le roy, logé dans un mechant hameau de quelques maisons, y etoit presque seul, faute de couvert pour son plus necessaire service, mais gardé d’ailleurs pour sa sûreté. Le cardinal, de concert avec les marechaux et les principaux de la Cour, fit en sorte que, sous pretexte de la difficulté des chemins, le roy fut abandonné à une entière solitude dès que le jour commenceroit à tomber : ce qui en cette saison, et dans ces gorges etroites, etoit de fort bonne heure, ne doutant pas que l’ennui, joint à l’avis unanime, ne l’engageast à se retirer.

L’ennui n’y put rien, mais il fut grand. Mon père, qui etoit dans ce même hameau tout près du roy, dont il avoit l’honneur d’être premier gentilhomme et premier ecuyer, à qui le roy se plaignit de sa solitude et de l’affront que luy feroit recevoir une retraite, après s’être avancé jusque-là pour le se-