Page:Variétés Tome V.djvu/167

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et en ceste dicte ysle ne hante que femmes ; on ne les peut congnoistre d’avec les hommes, tant sont vaillantes en guerre. Et auprès a une autre ysle qu’on appelle Tripongalagan, et fault qu’ils passent une rivière qu’on appelle Magrouffa quant ilz veulent habiter aux femmes, et se les femmes enfantent ung filz masle, elles l’envoient demeurer avec les hommes ; se c’est une fille, elles la tiennent et la nourrissent, et lui ardent la mamelle dextre, affin, quant elles sont grandes, quelles puissent mieulx courir la lance, car elles guerroient mieulx que les hommes17.

Item, pareillement, en ensuivant toutes les choses dessus dictes, nous avons veu ung grant et merveilleux poisson qui saulte sur la mer plus de cinquante brasses en hault et de travers ; il nage plus viste et plustost que ung oyseau ne sçauroit voler, et si a les dentz si fortes et si aguës que quant il empoigne


17. C’est l’éternelle fiction des Amazones, qui a parcouru toutes les régions. Selon M. de Humboldt, « elle appartient au cercle uniforme et étroit de rêveries et d’idées dans lequel l’imagination poétique ou religieuse de toutes les races d’hommes et de toutes les époques se meut presque instinctivement. » (Histoire de la géographie du nouveau continent, t. 1, p. 267.) — Dans le De monstris, reproduit par M. Berger de Xivrey dans ses Traditions teratologiques, les Amazones apparoissent aussi sous le nom d’Androginæ, telles que les avoit représentées Pline (liv. 7, chap. 11), telles qu’on les voit ici. La légende de Prestre Jehan en parle aussi : « Et sachez qu’elles se combatent fort, comme si elles fussent hommes ; et sachez que nul homme masle ne demeure avecques elles fors que neuf jours, lesquels durant il se peut deporter et solacier avecques elles et engendrer, et non plus, car autrement il seroit mort. »