Page:Variétés Tome V.djvu/213

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deur de si hauts, si sublimes, si relevez et scientifiques esprits comme le leur ; je les voudrois cognoistre, s’ils estoient en vie : je les prierois d’employer quelques heures de temps à plus belle et haute recherche : ils en seroient louez, et peut estre recompensez, on ne sçait ; le monde ne sera pas tousjours pauvre ny chiche ; chacun aura de l’argent, car la paix qui arrive bientost5 fera vendre toutes les harquebuses, piques, mosquets et halebardes : aussi bien cela faict trop de bruit pour rien. Mais helas ! garda filiol, dit l’Italien, je voy desjà les taverniers qui deviennent fort bleus6, principalement ceux d’auprès les portes : ils vont donner du cul à terre, car, puis qu’il n’y aura plus de soldats aux portes, que la paix les fera toutes ouvrir comme auparavant, la grande peur qui pensa esbranler tous nos fauxbourgs, qu’aurons-nous à faire d’en avoir tant ? Et à quel propos encor le vin à cinq, six et huict sols, puis que l’Auvergne, le Languedoc, la Provence, la Gascogne et la Bourgongne en regorgent de tous costez ? Chacun son tour, dit la devise : mettez donc


5. La paix entre la reine mère et les princes mécontents avoit été signée le 15 mai 1614 à Sainte-Menehould. Ce passage, qui nous montre cette pacification comme étant seulement en espérance, nous feroit penser que la Vraye pronostication de maître Gonnin est des premiers mois de 1614. L’édition que nous suivons, et qui porte, comme on l’a vu, la date de 1615, n’est donc certainement pas la première.

6. On disoit devenir bleu, et surtout faire des coups bleus, pour tenter des efforts inutiles, des entreprises qui ne réussissent pas. (Leroux, Dictionnaire comique.)