Page:Variétés Tome V.djvu/348

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faire gaigner les usuriers. Sur ce mot, le musicien, me tirant par le bras, me fit prester l’oreille pour entendre ce que deux personnes disoient assez secrettement. Je ne puis, disoit l’un des deux, quand vous me donneriez tout vostre bien ; je ne demande qu’à faire plaisir quand je puis. — Mais, Monsieur, disoit l’autre en action de suppliant, vous estes nanty de la valeur de cent escus, sur quoy vous ne m’avez presté que quatre pistolles ; prestez-m’en encore autant, et je vous passeray une obligation de cent francs ; je vous donneray encore une monstre si vous ne vous contentez des gages que vous avez. — Faites-moy donc, dit l’usurier, l’obligation d’unze pistolles à payer à Pasques, ou n’en parlons plus. Vous voyez comme je suis franc ; je vous promets que je m’en fais faute pour vous en accommoder. L’autre, comme ravy de cette favorable responce, luy fit mille remerciemens et se resolut à passer par-là, nonobstant une uzure si prodigieuse qui nous fit hausser les espaules. Mais il en fut payé tout sur-le-champ par un capitaine de cavalerie, qui reconnust cet insigne fesse-Mathieu, et, sans luy donner loisir de se reconnoistre, luy donna cinq ou six conps de canne sur les oreilles en luy disant : Es-tu bien si hardy, vieux reistre, de prendre les pistolets de mes cavaliers en gage, et d’empescher le service du roy en retenant leurs armes ? Il faut, mort-bieu ! les rendre tout à l’heure, ou je te passeray mon espée au travers du corps. Je ne pus entendre le reste, d’autant que, me sentant secrettement tirer par derrière, je crus que c’estoit quelque coupeur de bourse