Page:Variétés Tome V.djvu/56

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faudroit estre un vrai aveugle pour ne point voir la raison que vous y mettez et le tort qu’ont tous ceux quy vous veulent du mal. Il y a plus de quatre-vingt-dix lunes que j’ay entendu parler de vostre fait. Je ne sçay par où commencer pour vous exprimer suffisamment, avec l’affection que je voudrois bien, la bonne opinion que j’ay toujours eue de vos consciences sans reproches. J’approuve et extolle14 jusques à la moindre region de l’air vos franchises naturelles, et proteste devant tous les dieux que je suis entierement satisfait de la charité et courtoisie dont vous usez ordinairement envers tous ceux quy ont l’esprit de s’aller chausser dans vos magazins. Vous avez le courage noble, et tout Paris recognoist que vous ne faites point de difficulté de donner une paire de souliers, à quelques poincts qu’on vous les puisse demander, pour douze ou seize sols tout au plus, et le plus riche de tous les cordonniers en voudroit avoir cinquante sols ou trois quarts d’escu, tout au moins ; et les gentils hommes incommodez se vantent partout d’avoir la meilleure paire de bottes qu’il y ait dans vos boutiques pour le prix et somme de trois livres seulement ; et messieurs les cordonniers n’en voudroient point rabattre une obolle encor sur une pistole en or, ou dix francs tout au meilleur marché, et bien souvent ne seront-elles que de meschante vache bruslée. Je veux dores-en-avant que vous me serviez ; j’aime mieux donner mon argent à vous qu’à d’autres quy se mocquent de moy. Et dès à present je jure par les eaux inviolables du Styx, et


14. J’élève, du latin extollere.