Page:Variétés Tome VI.djvu/154

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Où vous vivez sans chicane et sans guerre,
Est mille fois plus agreable à voir
Que ce que l’or et l’art nous fait avoir.
Or adieu donc, adieu, belle harmonie ;
Adieu, rochers, muette compagnie ;
Adieu, oiseaux ; adieu, mes gringoteux ;
Adieu cent fois, mes petits vigoureux ;
Adieu, ruisseaux ; adieu, plaisant boccage ;
Adieu, lieu sombre où je laisse pour gage
De mon retour ma parole et ma foy,
Et m’en revay voir ce qu’on faict chez moy.
Je m’en vay donc, mais non sans avoir crainte
D’y recevoir quelque nouvelle atteinte
De desplaisir, car le peuple assemblé,
Quand sur le soir il est un peu troublé,
Mesme en ce temps où il est impossible
Voir de Bacchus la troupe incompatible18
Sans cris, sans coups, et sans y voir aussi
Mespriser ceux qui ne font pas ainsi.
Disant ces mots, une crainte legère
D’esmouvoir trop l’hostesse bocagère
Qui redit tout, en imitant les voix,
Aux habitants des plaines et des bois,
Me fit luy dire : Ô nymphe qui regrette



18. Du latin incomptus, en désordre. Je ne connois pas d’usage plus ancien du mot incompatible. Il étoit encore si nouveau au milieu du XVIIe siècle dans le sens qu’il a gardé, que M. Sainte-Beuve (Revue des Deux-Mondes, 1er janv. 1848, p. 3) s’étonne de le trouver dans les œuvres du chevalier de Méré, et le recommande à l’Académie pour son Dictionnaire historique, si jamais il arrive jusqu’à l’I. Malheureusement personne ne peut en répondre, et ce n’est pas surtout le cas de dire : Qui vivra verra.