Page:Variétés Tome VII.djvu/117

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faisant ainsi parler Alexandre avec luy-mesme dans une pièce burlesque, fait dire en mesme temps par un autre acteur qui le surprend en cette belle occupation : « Helas ! vous ne sçavez pas ? Alexandre est devenu fol. — Hé ! comment cela ? repond un autre. — Hé ! ne voyez-vous pas, reprend le premier, que le voilà qui parle tout seul ? » Ce n’est pas là neantmoins le plus grand de leurs defauts. En voicy encore un autre aussi insupportable à mon gré. Vous y verrez une personne parler à son bras et à sa passion, comme s’ils estoient capables de l’entendre : Courage, mon bras ; Tout beau, ma passion. Mettons la main sur la conscience : nous arrive-t’il jamais d’apostropher ainsi les parties de nostre corps ? Quand vous avez quelque grand dessein en teste, quand vous vous devez battre en duel, faites-vous ainsi une belle exhortation à vostre bras pour l’y resoudre ? Disons nous jamais : Pleurez, pleures, mes yeux29 ? non plus que : Mouchez, mouchez-vous, mon nez ? Çà, courage, mes pieds, allons-nous-en au fauxbourg Saint-Germain ? Vous me direz que c’est une figure de rhetorique qui a esté pratiquée de tous les anciens. Je vous repons qu’elle n’en est pas moins ridicule pour estre vieille ; que ce n’est pas la première fois que l’on a fait du vice vertu ; qu’il n’y a point d’autorité qui puisse justifier ce qui choque le jugement et la vray-


29. On sait que c’est l’exclamation de Chimène, dans le Cid :

Pleurez, pleurez, mes yeux, et fondez-vous en eau :
La moitié de ma vie a mis l’autre au tombeau.