Page:Variétés Tome VII.djvu/92

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le jugement qu’en faisoit ce musicien. Mais le bon fut qu’incontinent après, ayant rencontré Voiture : « Pour moy, nous dit-il, je ne sçay guère ce que c’est que de la musique, et je croy que Sibus y excelle ; mais il a grand tort de se vouloir mesler de faire des vers, où il n’entend rien. »

C’est pourtant à ce dernier mestier qu’il s’est apliqué principalement, et c’est celuy qui l’a le plus fait connoistre dans le monde. Aussi ne vous entretiendray-je guère que de Sibus le poëte, ses principales avantures luy estant arrivées sous ce dernier personnage, ainsi que vous le verrez par le recit que je vais faire de ce que j’ay pû apprendre de sa vie.

Pour commencer donc par la naissance de nostre heros, comme j’ay remarqué dans les bons romans qu’il faut toûjours faire, je vous diray que vous ne pouviez trouver personne qui vous en pût mieux instruire que moy, personne n’en ayant jamais eu connoissance. Vous diriez que ce petit homme ait esté trouvé sous une feuille de chou comme Poussot4, ou qu’il soit sorty de la terre en une nuit comme un champignon. Tant y a qu’il a esté si heureux qu’il n’a jamais connu d’autre père que Dieu, ny d’autre mère que la Nature. Il coula les


4. C’est-à-dire comme Poucet, qui portoit, à ce qu’il paroît, dans les contes de nourrice, le nom qu’on lui donne ici, avant que Perrault eût immortalisé l’autre. Il n’a pas respecté cette particularité de sa naissance, mais elle a été religieusement conservée dans l’histoire de Tom-Thumb (Tom-Pouce), le petit Poucet des Anglois.