Page:Variétés Tome VII.djvu/95

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’il en soit, reprit Sylon, ce fut l’artifice dont usa Sibus pour ne point acheter de plume. Au lieu d’encre, il se servoit de suye qu’il détrempoit dans de l’eau : de sorte que, son ecriture roussissant à mesure qu’il la faisoit, il disoit par galanterie à ceux qui l’en railloient que c’estoit qu’il n’ecrivoit qu’en lettres d’or ; et il fit un petit trou, qu’il avoit soin de boucher tous les matins d’une cheville, à une meschante cloison qui separoit son galetas de celuy d’une blanchisseuse chez laquelle il logeoit, de manière que, la lueur de la lampe à la faveur de laquelle la blanchisseuse sechoit son linge venant à passer par ce trou, il appliquoit son papier justement au devant, et deroboit ainsi sans pecher ce qu’il n’avoit pas le moyen de payer. Pour le jour, il le passoit ou à corriger les fautes dans une imprimerie11, ou à se promener dans la court du logis où il demeuroit : car j’oubliois à vous dire qu’il avoit


« Il s’étoit laissé croître l’ongle du petit doigt de la gauche jusqu’à une grandeur étonnante, ce qu’il trouvoit le plus galant du monde. » Cette mode venoit sans doute de ce qu’il falloit gratter avec l’ongle, et non pas frapper, à la porte de la chambre du roi, pour annoncer qu’on désiroit entrer. Porter l’ongle long, c’étoit donc montrer indirectement qu’on étoit reçu chez Sa Majesté. Par flatterie, on grattoit aussi chez les gens les plus puissants. Tallemant, voulant donner une preuve du crédit de Desnoyers lorsqu’il mourut, dit : « On grattoit déjà à sa porte comme à celle du cardinal. » (Édit. in-12, t. 3, p. 78.)

11. C’étoit souvent alors le métier des pauvres diables d’auteurs ou de prêtres. V. dans notre tome 4, p. 79, le Factum du procès de messire Jean contre dame Renee.